En bref…
Mix-Cité est une associa- tion loi 1901 créée à Paris en 1997. Association fémi- niste, mixte, antisexiste et internationaliste, elle exi- ste aussi à Toulouse, Orlé- ans, Lille et Nantes. Créée à Rennes en novembre 2002, Mix-Cité revendique une réelle égalité entre hommes et femmes.

Education : le sexisme dans les jouets

Publié le 25 juin 2007, mise à jour le 16 août 2009

Vous avez sans doute maintes et maintes fois feuilleté les très traditionnels catalogues de jouets à l’approche des festivités de Noël. Mais avez-vous déjà réfléchi aux stéréotypes et aux normes qui y sont véhiculés ?

Les catalogues de jouets n’ont pas changés depuis des décennies et ne semblent pas prendre en compte les transformations à l’œuvre dans la société.

Vous remarquerez que les premières pages sont toujours consacrées aux tout-petits, qui, c’est bien connu, ne sont pas encore sexués ! Mais tout se gâte ensuite. Deux mondes sont clairement séparés et aisément repérables par un code couleur d’une originalité folle : le monde rose des filles et l’univers bleu des garçons.

La panoplie de la parfaite ménagère

Les pages dévolues aux filles rappellent vraiment l’imagerie du monde féminin dans les années 50 : on y retrouve la petite femme d’intérieur qui s’occupe des tâches ménagères le sourire aux lèvres et qui ne doit pas oublier de se pouponner pour le retour du mari !

Les jouets « de filles » sont en grande partie constitués d’ustensiles ménagers comme les machines à laver, les fers à repasser et autres réjouissances. On remarquera qu’aucun de ces jouets n’est présent dans les pages « garçons ». Pourtant ces jeux qui permettent d’imiter les adultes attirent les deux sexes : quel petit garçon n’a jamais joué à faire le ménage ?

Mais, on entre là dans le cœur du problème. Les jouets, qui ont un rôle important dans le développement de l’enfant, véhiculent une idéologie très conservatrice. Il suffit de visiter les sites Internet des principaux distributeurs de jouets pour s’apercevoir qu’il n’y a bien sûr rien d’innocent à promouvoir ces jouets dits « d’imitation ». Car il nous est bien précisé que la petite fille « imite maman ». Or, si les femmes ont durement lutté pour s’évader de l’univers domestique où elles étaient recluses, il y a encore une forte résistance dans la société moderne contre cet affranchissement. On continue majoritairement à éduquer les filles en leur apprenant à s’occuper d’un foyer alors que cela n’est qu’à peine abordé dans l’éducation des garçons. Comment s’étonner, qu’aujourd’hui encore, 80% des tâches ménagères soient réalisées par les femmes ? On remarque d’ailleurs que c’est dans la sphère privée que perdurent encore une large part des inégalités entre les sexes.

Mère, sinon rien

En poursuivant notre lecture, on s’aperçoit que les petites filles ne doivent pas seulement apprendre à faire le ménage. Mais oui ! L’auriez-vous oublié ? Le principal rôle des membres du sexe féminin est d’être mère ! Vous serez surpris-e à la vue de l’arsenal de poupons, poupées (à la peau blanche, bien entendu !), poussettes, chaises hautes, berceaux, pouponnières et j’en passe, déployés pour familiariser la petite fille avec son rôle maternel. D’ailleurs, inutile de chercher une autre ambition professionnelle dans les jouets pour petites filles, vous ne trouverez aucun attirail de scientifique en herbe, de cosmonaute ou de femme d’affaire ! Voyons, quel plus beau métier que celui de mère ?

Par contre ce n’est pas une option pour garçon : apparemment l’apprentissage de la paternité ne leur serait d’aucune utilité et vous ne dénicherez aucun petit garçon serrant un poupon entre ses bras en feuilletant les catalogues. Avez-vous déjà réfléchi à l’origine du soi-disant « instinct maternel » ? Il s’enseigne dès le plus jeune âge grâce aux jouets, à la littérature pour enfants, aux dessins animés, aux publicités…

Cependant, pour les filles comme pour les garçons, la procréation, la fondation d’une famille n’est qu’un choix parmi une myriade d’autres voies.

Sois belle et tais-toi !

La dernière catégorie de jouets pour filles nous présente le monde sucré des « têtes à coiffer », des accessoires de beauté, des Barbie, des déguisements de princesse. Ces jouets permettent d’enfermer les petites filles dans la passivité, en évitant de développer leur réflexion, leur logique ou leur esprit d’initiative. Le but est de cultiver le dévouement à autrui et non l’épanouissement personnel. Cela transparaît à travers une insistance omniprésente sur l’univers amoureux (hétérosexuel, faut-il le préciser) : la petite fille se doit d’attendre son prince comme l’acmé de son existence. Cela cause des ravages dans la vie des femmes qui pensent souvent ne pouvoir s’accomplir qu’à travers une relation amoureuse classique et en s’adaptant au diktat de la beauté.

L’enfance du chef

Voici maintenant les couleurs froides (bleu, vert, noir et gris), symbolisant l’univers viril. Quel contraste !

Les jouets proposés aux garçons éveillent leur esprit d’initiative, leur caractère, leur détermination. Contrairement à la petite fille, on demande au garçon d’être actif. On lui propose des jouets de plein air, sportifs, qui permettent d’accroître son adresse physique. Surtout, le monde viril est celui de la technicité. Le garçon se sensibilise à la mécanique avec les voitures, au bricolage, à la construction (Supermag, Geomag…).

De plus, un garçon se doit d’être fort, d’aimer la violence et la guerre. La grande majorité des jouets « de garçons » appartiennent à cette catégorie : les armes, les figurines, les déguisements… Le monde sentimental, omniprésent chez les filles, est ici totalement absent. On construit ainsi le futur homme sur des valeurs viriles archaïques qui lui interdisent toute affirmation de sa sensibilité. Cela a des effets désastreux, car la violence ainsi inculquée devient parfois le seul mode d’expression des frustrations et des émotions.

Mais la plus grande différence avec l’univers des filles, tel qu’il est construit par les jouets, est que l’on attend guère du garçon qu’il se construise en fonction d’autrui : les jouets qui lui sont proposés ne le préparent pas plus aux soins de la famille qu’aux jeux de séduction de la vie amoureuse. On développe plutôt l’ambition personnelle à travers les jouets scientifiques (microscopes, télescopes, coffrets de chimie …). Les jeux « d’imitation » du garçon l’orientent vers des métiers de prestige (médecin, scientifique, pompier…). Une fois adulte, le monde professionnel renforce ces inégalités introduites à travers les jouets : aujourd’hui les femmes sont, en moyenne, payées 30% de moins que les hommes, un nombre minime de femmes parviennent à des postes de responsabilité et on leur réserve les contrats les plus précaire. De plus, les professions dites « féminines » sont dévalorisées et on oriente les garçons vers les filières de prestige.

Pour conclure, notons que ce ne sont pas les jouets en eux-mêmes qui sont sexistes, c’est l’utilisation que l’on en fait. Les poupées et les voitures sont parfaitement innocentes. Ce qui doit être combattu ce sont les stéréotypes sexuels qui minorent les filles et font perdurer une société sexiste. Au fond, ce que l’on appréhende le plus c’est que les normes soient dérangées par des identités sexuelles moins strictement définies. Quand on refuse que les garçons jouent à la poupée c’est une peur de l’homosexualité qui se révèle. À travers les jouets, on cherche à faire perdurer l’idéologie patriarcale et la norme hétérosexuelle.

Pour en savoir plus : les alternatives : littérature jeunesse non sexiste.

Voir nos actions sur l’attribution sexiste des jouets et sur nos interventions en milieu scolaire.


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