Mix-Cité Rennes
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Violences sexistes
lundi, 25 juin 2007
Pendant des siècles, les violences physiques et sexuelles exercées par les hommes sur les femmes ont bénéficié d’une forme de tolérance sociale. Aujourd’hui, même si la loi les condamne, ces violences demeurent extrêmement répandues. Dans une société où la violence est encore valorisée comme l’apanage de la virilité, comment s’étonner qu’un nombre intolérable de femmes meurent sous les coups de leur conjoint ou soient brisées par un viol ?

Les violences conjugales

Les violences conjugales ont longtemps été considérées comme une affaire privée, comme un « problème de couple ». Ce sont les féministes qui ont mis en lumière ce désastre humain et en ont fait une affaire d’État.

La dernière enquête réalisée à l’initiative d’Amnesty International auprès des services de police en 2005 dévoile des chiffres accablants et effrayants : tous les quatre jours en France, une femme meurt sous les coups de son partenaire. Parmi ces femmes, plus de la moitié avaient déjà subi des violences conjugales. Parce qu’elle tue, la violence physique est très médiatisée. Mais les agressions verbales ou psychologiques sont tout aussi destructives. Au sein du couple, de nombreuses femmes sont soumises à des insultes, des brimades et des atteintes psychologiques quotidiennes. Lors de l’Enquête Nationale sur les Violences Faites aux FemmesEnquête Nationale sur les Violences Faites aux FemmesLancée et réalisée en 2000 par une équipe pluridisciplinaire de chercheurs, l'enquête nationale sur les violences envers les femmes en France métropolitaine (ENVEFF) est la première enquête nationale de grande ampleur dédiée aux violences subies par les femmes. 6970 femmes de 20 à 59 ans ont ainsi été interrogées par téléphone entre mars et juillet 2000. Cette enquête a permis de mettre en lumière l'importance et la fréquence de ces violences, tous milieux sociaux confondus. une femme sur 10 a confié se trouver dans une situation de violence conjugale.

Tout d’abord, il faut tordre le cou aux idées reçues selon lesquelles les violences conjugales auraient lieu dans les milieux défavorisés et seraient le résultat de l’alcoolisme ou de troubles psychologiques. En réalité elles peuvent toucher toutes les femmes, quelle que soit leur origine et leur occupation.

Malgré le nombre important de victimes et une meilleure prise en compte de ce type de violences par le système judiciaire, de nombreux cas ne feront jamais l’objet de poursuites au pénal. Selon l’Enquête Nationale sur les Violences Faites aux FemmesEnquête Nationale sur les Violences Faites aux FemmesLancée et réalisée en 2000 par une équipe pluridisciplinaire de chercheurs, l'enquête nationale sur les violences envers les femmes en France métropolitaine (ENVEFF) est la première enquête nationale de grande ampleur dédiée aux violences subies par les femmes. 6970 femmes de 20 à 59 ans ont ainsi été interrogées par téléphone entre mars et juillet 2000. Cette enquête a permis de mettre en lumière l'importance et la fréquence de ces violences, tous milieux sociaux confondus., seulement 13% des femmes ayant déclaré des violences auraient porté plainte. En effet, celles qui osent porter plainte s’exposent à des représailles : elles peuvent être menacées, brutalisées ou assassinées. Selon les professionnels, c’est au moment de la rupture, censée mettre un terme aux violences, que celles-ci risquent de s’aggraver. Par ailleurs, l’auteur des violences est très proche de la victime et, bien souvent, il exerce une sorte d’emprise, une domination nourrie par la peur. Les femmes éprouvent des difficultés à dénoncer ce qui leur semble relever de l’intime. Elles se sentent responsables de l’échec de leur couple et craignent le regard des autres. La présence d’enfants complique la situation. Car lorsqu’elles décident de quitter leur conjoint violent, bien des femmes se retrouvent sans logement parfois sans travail et sans argent. Fragilisées par des violences répétées, elles se retrouvent seules, isolées. Or, les questions d’hébergement et d’accompagnement des femmes victimes de violences au sein du couple posent encore de graves problèmes. Les associations sont débordées par les demandes, et les moyens donnés à celles-ci ont été, dans l’ensemble, revus à la baisse.

Les violences conjugales et familiales font trop souvent l’objet d’un traitement judiciaire tardif. La police n’est pas toujours formée à l’accueil des femmes victimes de violences au sein de leur couple. De nombreuses plaintes sont déposées par les femmes avant que le Parquet n’intervienne. Le manque de coordination, de volonté et de moyens adéquats rendent les démarches à entreprendre longues et complexes. Or la violence croît avec le temps et la victime se trouve marginalisée par l’absence de réponse judiciaire. Un grand nombre de violences graves et de de décès consécutifs à des coups mortel pourraient donc être évités.

Aujourd’hui il est urgent d’agir pour qu’un dispositif efficace - permettant aux femmes d’avoir accès à des logements sociaux et à un accompagnement social et économique pour échapper à l’emprise du conjoint violent - soit mis en place. Il faut rappeler, à l’instar d’Amnesty International, que l’État a l’obligation de s’assurer que les violences conjugales ne restent pas impunies et que les victimes obtiennent réparation. Il faut surtout insuffler un véritable changement des mentalités car notre système de valeur, qui privilégie encore les comportements agressifs, dominateurs, voire violents, chez les petits garçons et valorise douceur, abnégation et gentillesse pour les petites filles, joue un rôle important dans l’existence des violences conjugales. Agissons pour que les femmes ne soient plus réduites à des punching ball ambulants mais soit enfin respectées comme des individus à part entière !!!

Pour plus d’informations sur le rapport d’Amnesty International sur les violences faites aux femmes : http://web.amnesty.org/library/inde...

Le viol

Parmi les violences sexistes les plus répandues, il faut évoquer les violences sexuelles. Le viol est un phénomène de société considérable dont l’ampleur commence à être reconnue. Il s’agit d’un acte sexuel imposé à l’individu par une contrainte physique ou psychologique. La société patriarcale reconnaît le viol depuis peu : auparavant agressions sexuelles et viols des femmes étaient tolérés voire valorisés.

Ce sont les mouvements féministes des années 1970 qui ont mis à l’ordre du jour un débat sur les violences sexuelles. En luttant pour que le viol soit enfin reconnu comme un crime, les féministes ont montré que cette atteinte à l’intégrité physique d’une femme permet à l’homme de marquer sa supériorité masculine. Le viol résulte de la domination patriarcale : ce n’est pas une histoire de sexualité mais de pouvoir.

En France, ce n’est qu’en 1980 que la loi française a modifié la définition du viol. Auparavant, une loi datant de 1832 stipulait que le crime de viol pouvait être puni par la réclusion criminelle mais aucune définition de ce qui le constituait n’était établie. De ce fait, les juges d’instruction ne retenaient pas l’inculpation de viol, crime passible des assises, mais seulement celle de coups et blessures volontaires ou d’outrage public à la pudeur, simple délit. Grâce au combat des féministes française, la loi de 1832 a été modifiée. Désormais le Code Pénal spécifie que « Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature que ce soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol ». Entrent donc dans cette définition les fellations que l’on oblige la victime à faire, ainsi que les pénétrations digitales, anales ou vaginales effectuées sans son consentement. Le crime est puni de quinze ans de réclusion criminelle. Par ailleurs, les victimes ont jusqu’à 10 ans après les faits pour porter plainte. Les mineur-e-s ayant subi un viol peuvent porter plainte jusqu’à 10 ans après leur majorité. De surcroît, les agressions sexuelles sont considérées comme des délits et sont prescrites trois ans après les faits. Rappelons aussi que les luttes féministes ont permis de pénaliser le viol conjugal. Le "devoir conjugal" qui imposait à la femme de se soumettre aux désirs sexuels de son époux n’a été aboli qu’en 1990. Le viol conjugal est condamnable depuis 1992. Néanmoins, dans le cadre d’une situation de vie commune, les cours de justice estiment bien souvent que « c’est la parole de la femme contre celle de l’homme » et privilégient généralement la parole de ce dernier, « humilié » par le refus de sa compagne !

L’Enquête Nationale sur les Violences Faites aux FemmesEnquête Nationale sur les Violences Faites aux FemmesLancée et réalisée en 2000 par une équipe pluridisciplinaire de chercheurs, l'enquête nationale sur les violences envers les femmes en France métropolitaine (ENVEFF) est la première enquête nationale de grande ampleur dédiée aux violences subies par les femmes. 6970 femmes de 20 à 59 ans ont ainsi été interrogées par téléphone entre mars et juillet 2000. Cette enquête a permis de mettre en lumière l'importance et la fréquence de ces violences, tous milieux sociaux confondus. fut la première à fournir des données chiffrées officielles concernant le viol. L’enquête permet d’estimer qu’environ 50 000 femmes, entre 20 et 59 ans, sont victimes de viol au cours d’une année. Cela signifie donc que chaque jour en France environ 137 femmes sont violées. Pour celles et ceux à qui ces chiffres ne parleraient pas, il faut qu’elles/ils se figurent que, chaque année, le nombre de femmes violées représente l’équivalent de la population de villes comme Saint-Malo ou Albi. Ces viols sont principalement commis par des proches ; le viol par des inconnus dans les espaces publics, ou dans le cadre du travail reste un phénomène relativement rare.

Mais l’immense majorité des viols ne sont pas déclarés à la police. L’enquête de l’ENVEFF permet d’évaluer tout l’écart qui existe entre la réalité et les statistiques officielles. Aujourd’hui en France, 5 % seulement des viols de femmes majeures feraient l’objet d’une plainte. De nombreuses femmes ne portent pas plainte soit parce qu’elles ne sont pas soutenues ou écoutées, soit parce qu’elles ont refoulé le souvenir de l’agression ou n’ont pas pu en parler avant. Quoi qu’il en soit, le silence des femmes s’explique surtout par la honte et la culpabilité. En outre, il est plus facile de parler ou de porter plainte lorsque l’agresseur est extérieur à la famille ou au cercle des proches. Lorsqu’il s’agit d’inceste, la victime est sous l’emprise d’un agresseur qui lui fait souvent croire que ce qu’il lui fait subir est tout à fait normal ou qui lui impose le silence par la violence. La victime se sent souvent responsable de la protection de la famille et de ses membres. À la peur de la famille s’ajoute donc la peur de détruire la famille. La crainte des représailles, particulièrement présente après des viols en réunion, est souvent évoquée comme une cause de l’incapacité pour les victimes de déposer plainte. Les menaces qui ont été perpétrées par l’agresseur et ses complices dans le but d’impressionner la victime sont à la base de cette peur. Or ces menaces ou ces actes d’intimidation qui visent à empêcher la personne violée de porter plainte ou qui la poussent à se rétracter constituent un délit qui est réprimé par la loi.

Lorsque la victime ose se confier et dénoncer ce qu’elle a subi, sa parole n’est souvent pas même prise en compte. Le viol reste encore le seul crime où la honte retombe sur la victime. Le témoignage de la personne violée peut être mis en doute par l’entourage (« Tu as dû confondre des gestes »). Pire, certaines familles prennent la défense de l’agresseur et minimisent le crime ou le délit commis. Par ailleurs, les victimes sont fréquemment confrontées à des remises en cause de leur ressenti, à des jugements et à des injures : certaines ont été insultées à la suite de ces révélations, ce qui les a placées dans la situation de coupable. Certaines ont été traitées de "menteuses", de "putains", de "salopes". Il faut aussi mentionner l’incompétence de certain-e-s professionnel-le-s sociaux-médicaux qui ne savent pas comment réagir ou comment prendre en compte la parole de la victime. C’est ainsi que le silence est imposé par l’entourage plus ou moins proche de la victime. Il en résulte que les personnes violées intériorisent ces réactions négatives et se croient coupables de ce qu’elles ont subi.

Ainsi la société patriarcale a tendance à défendre les agresseurs contre les victimes. 50% des meurtres sont suivis d’une condamnation contre seulement 2% des viols. Généralement la pratique judiciaire regarde la victime de viol avec suspicion, s’appuyant sur le vieux préjugé sexiste selon lequel une femme porterait facilement une fausse accusation contre un homme par vengeance. C’est donc la parole de la victime qui est d’emblée considérée comme suspecte et non celle de l’agresseur. Il faut aussi dénoncer la prescription de 10 ans après les faits. Ce laps de temps est ridicule puisqu’il faut souvent bien plus d’années pour qu’une femme parvienne à surmonter le traumatisme et à dénoncer ce qu’elle a vécu.

Toujours acte de domination et de pouvoir, le viol laisse des séquelles durables dans la vie des filles et des femmes qui le subissent :
- les séquelles physiques : selon la brutalité de l’agression, la victime peut souffrir de graves lésions corporelles et génitales. Lorsque le violeur n’a pas utilisé de préservatif (ce qui est majoritairement le cas) il existe un risque important de contracter des MST, l’hépatite ou le VIH/Sida. De ce fait, la victime doit absolument commencer un traitement post-exposition afin de se prémunir contre l’exposition au VIH : il faut se rendre immédiatement, dans les quatre heuresquatre heuresLe VIH met moins de 4 heures à pénétrer dans les cellules dendritiques qui sont la première ligne de défense du système immunitaire, ou dans la limite maximum de 48 heures, au service d’urgence le plus proche. De plus, il faut aussi prendre en compte le risque de grossesse. Il en résulte que celles qui n’ont pas accès aux soins et aux contraceptifs sont les plus vulnérables.
- les séquelles psychologiques : choc post traumatique, anxiété, insomnie, peurs multiples, dépression, suicide, alcoolisme, dévalorisation de soi, absence de désir sexuel, frigidité, vaginisme...
- conséquences sociales : stigmatisation pouvant conduire au suicide ou au crime d’honneur, divorce, rejet communautaire...

Comme on le voit, le combat n’est pas gagné ! Les mentalités sont loin d’avoir changées puisque la domination masculine s’exerce encore et toujours de manière privilégiée à travers la sexualité : 96 % des auteurs de viol sont de sexe masculin et 91 % des victimes sont de sexe féminin [1]. On ne peut guère s’en étonner quand l’éducation sexuelle est bâclée et que les sempiternels stéréotypes sur la soumission et le masochisme féminin sont continuellement véhiculés ! De vieux mythes sexistes sont aussi mis en avant afin d’absoudre les violeurs. Selon ceux-ci les femmes qui se font violer "l’ont bien cherché" en s’habillant de façon séduisante ou en se promenant sur des territoires masculins (la rue nocturne par exemple). Au XXIe siècle il est encore nécessaire de marteler que les femmes sont des sujets à part entière, que leur corps leur appartient et que RIEN ne peut légitimer une quelconque atteinte à leur intégrité physique.

Luttons :
- pour que le viol - qu’il ait été commis par un inconnu, par un parent, par un conjoint ou par un collègue - soit puni comme un crime, tel que cela est stipulé dans le Code Pénal
- pour qu’il n’y ait plus de délai de prescription
- pour une meilleure formation des professionnels sociaux-médicaux
- pour qu’une véritable politique d’éducation à l’égalité soit menée, accompagnée d’une indispensable éducation à la sexualité, sujet encore tabou en France.

Des violences plus insidieuses

Si le viol et les violences conjugales sont souvent combattus prioritairement parce qu’ils tuent ou détruisent de nombreuses femmes, il ne faut pas oublier d’évoquer les très nombreuses violences sexistes sur lesquelles la société patriarcale est basée. La domination masculine s’exerce de façon extrêmement violente. Les moyens qu’elle utilise pour soumettre les femmes sont très insidieux. Tellement insidieux que les femmes elles-même n’en ont généralement pas conscience.

Tout d’abord, même si nous avons été éduqué-e-s dans la mixité et si nous avons pu avoir la chance d’expérimenter une éducation plus ou moins égalitaire, la société (par les lois, par le système économique, par les médias...) inculque à chacun-e l’idée que les hommes sont supérieurs aux femmes. Dès l’enfance, les femmes sont sans cesse dévalorisées par rapport à leurs camarades de sexe masculin. Même si elles obtiennent les meilleurs résultats scolaires, elles ne décrocheront pas un poste à la hauteur de leur compétence, ou bien beaucoup plus tard que leurs collègues masculins. Par ailleurs, à travail égal, elles seront généralement moins payées que ces derniers (voir ).

Autre terrible violence insidieuse, celle qui impose aux femmes l’idée qu’elles doivent se soumettre aux désirs sexuels masculins. Nous sommes chaque jour confronté-e-s à des images réduisant les femmes au statut d’objet sexuel, tant dans les publicités, que dans les journaux, dans les séries TV, dans les films, etc. Ces images dénient aux femmes leur statut de sujet en les exhibant pour le plaisir masculin.

De surcroît, nous avons toutes expérimenté, parfois à nos dépens, le fait que certains « territoires » au sein de l’espace public sont réservés aux hommes. Il s’agit de certains quartiers, de certains bars, de la ville nocturne ou des parcs. Les femmes qui « s’aventurent » en ces lieux peuvent subir, sans que personne ne s’en révolte, des avances, des gestes déplacés, des remarques salaces, des sifflements, etc. Puisque les femmes sont communément perçues comme des objets sexuellement disponibles, beaucoup d’hommes se sentent le droit de fouler aux pieds leurs libertés individuelles. Ce sont les jeunes femmes de moins de 25 ans qui sont le plus en proie à des atteintes et des agressions de toute nature. Selon l’enquête de l’ENVEFF, dans les 12 derniers mois, une femme sur 10 a été « suivie avec insistance » ou confrontée à un exhibitionniste, 6% ont été importunées sexuellement. Pour beaucoup de femmes, cette tension quotidienne, cette crainte de sortir seule le soir ou de se rendre dans des quartiers, des rues, dominés par les hommes, est une des violences sexistes les plus difficiles à supporter. On nous force à intégrer le fait que l’espace public ne nous appartient pas et que, si nous décidons de l’investir, ce sera à nos risques et périls.

Chaque année, à l’occasion de la Journée Mondiale contre les Violences faites aux femmes du 25 novembre, mobilisons-nous !!! (voir Nos actions contre les violences faites aux femmes)

[1] statistiques concordantes du Ministère de la Justice et du CFCV, Collectif Féministe Contre le Viol